EN PRIVÉ

Krach du Covid-19

Octobre 1929, bulle internet de 2000-2002, crise des subprimes de 2007-2008 : l’histoire nous apprend que les périodes de grands stress boursiers comme celle que nous vivons actuellement ne se résorbent pas en quelques semaines. Pour les investisseurs, la patience doit être le maître mot.

Souvenez-vous : le 19 février 2020, le CAC 40 atteint 6 111 points en séance et s’apprête à dépasser son pic de 2007 à 6 168 points (1). Les investisseurs semblent alors convaincus que l’épidémie de coronavirus va épargner l’Europe. L’optimisme des marchés bat son plein. Mais dans les jours qui suivent, la panique s’empare brutalement des bourses mondiales. À l’instar des places européennes et de Wall Street, l’indice parisien entame une chute vertigineuse avant d’atteindre, le 16 mars, son point bas à 3 632 points en séance (1), soit une dégringolade impressionnante de plus de 40 % en moins d’un mois. Outre-Atlantique, le Dow Jones touche un plus haut historique le 12 février à 29 568 points (1), avant de chuter de plus de 38 % et de toucher son point bas à 18 213 points le 23 mars (1). En à peine quatre semaines, le « krach du Covid-19 » a dépassé, par son ampleur, celui de l’année 2008 !

La reprise des bourses mondiales de plus de 20 %, depuis la mi-mars, pourrait nous laisser penser que le point bas est bel et bien derrière nous. Ce serait aller un peu vite en besogne. L’année 2020 sera inédite sur le plan macroéconomique. Le 14 avril, le Fonds monétaire international (FMI) annonce anticiper une chute de 7,5 % du PIB de la zone euro cette année et une récession de 3 % au niveau mondial. Les investisseurs n’ont pas « exagéré » le choc conjoncturel causé par la pandémie du Covid-19 alors que la pire récession depuis les années 1930 est devant nous. Nul doute que les prochains mois resteront agités sur les marchés. Une violente rechute est toujours possible même si les autorités (banques centrales, gouvernements etc.) n’ont pas tardé à réagir à coups d’injections de liquidités et de promesses de plans massifs de relance.

Crise des subprimes (2)
18 mois de marché baissier

En août 2007, au cœur de la torpeur estivale, éclate la crise des subprimes (2), liée au retournement du marché immobilier américain et à l’excès d’endettement de nombreux ménages gavés de crédits hypothécaires, crédits titrisés et disséminés dans les bilans des établissements financiers du monde entier. Cette crise financière inédite entraîne alors les marchés dans le krach le plus spectaculaire depuis 1929. En 2008, les investisseurs assistent, médusés, à la chute de plus de 40 % des grands indices boursiers mondiaux, déroute accentuée par la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008. Cette crise financière atteint les économies développées qui plongeront en récession tout au long de l’année suivante. Il faudra attendre mars 2009 pour assister au rebond durable des bourses mondiales, soit plus de dix-huit mois après le début de la tempête des subprimes.

Pour atténuer les effets de cette récession, les gouvernements n’hésitent pas à recourir massivement à l’endettement pour soutenir leurs économies. Incapables de se coordonner efficacement pour apporter une aide financière à une Grèce exsangue dès le printemps 2010, les dirigeants européens laissent les investisseurs du monde entier se mettre à douter de la soutenabilité des dettes souveraines de la zone euro.
Les indices boursiers européens connaissent alors, d’avril 2011 à juillet 2012, un second repli marqué (le CAC 40 abandonne plus de 35 % sur l’intervalle (1) !), un véritable krach larvé qui fera craindre le « Grexit » (mot-valise pour expliquer la possible exclusion de la Grèce de la monnaie unique) et la dislocation de la zone euro. Ce sont finalement les paroles rassurantes de Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), en juillet 2012, assurant que l’institution de Francfort ferait tout ce qu’il faut pour sauver la devise européenne (le fameux « whatever it takes »), qui finissent par redonner confiance aux investisseurs. À défaut de régler le problème grec, « Super Mario » a permis au Vieux Continent de sortir d’une tension extrême et aux marchés de reprendre leur souffle.

Éclatement de la bulle Internet
2 ans et demi de marasme boursier

En cette fin de vingtième siècle, le développement d’internet et l’émergence de la « net économie », inspirée par les succès des entreprises stars de la Silicon Valley californienne, entraîne une vague d’optimisme sans précédent sur les marchés actions. Les investisseurs ne se trompaient pas en estimant que les nouvelles technologies numériques allaient changer radicalement nos vies. Seul problème : leur enthousiasme s’est révélé trop précoce. En 1999-2000, valoriser une startup Internet 20 fois son chiffre d’affaires semblait raisonnable. L’envolée boursière du secteur technologique entraîne alors l’ensemble des marchés dans son sillon. Le CAC 40 atteint ainsi son sommet historique en août 2000 à 6 944 points(1) .

Mais après 5 ans d’euphorie, le doute s’installe. Les business model très optimistes des startups ne sont pas atteints, la révolution tant attendue tarde à porter ses fruits, les faillites se multiplient. Le réveil est brutal pour les investisseurs, qui se rendent compte que les marchés sont allés trop loin, trop vite. La correction durera deux ans et demi, de septembre 2000 à mars 2003, au cours desquels le CAC 40 perdra 65 % de sa valeur en revenant à 2 401 points1 au creux de la crise. La période sera également marquée par un événement brutal et imprévu : les attentats du 11 septembre 2001.

La Grande Dépression
25 ans pour effacer le krach de 1929

Une chronique sur les grands krachs boursiers ne serait pas complète sans évoquer la crise de 1929. La récession mondiale exceptionnelle attendue en 2020 a d’ailleurs été comparée à plusieurs reprises à celle de la Grande Dépression des années 1930 ayant fait suite au krach d’octobre 1929, associant chute d’activité et hausse soudaine du chômage.

L’économie des années 1920 était pourtant florissante. La décennie reste celle des « Roaring Twenties » (« années vrombissantes ») dans l’esprit américain : vie insouciante, plein emploi, industrie en plein boom, progrès technique avec l’adoption progressive du téléphone, de la radio ou encore de la voiture aux États-Unis. Le mouvement s’accompagne d’une formidable progression des marchés : de 1924 à 1929, le Dow Jones passe de 100 à 380 points (3) . Trop vite, trop fort. La spéculation laisse soudainement place à des retraits de capitaux lorsque l’économie commence à donner des signes d’essoufflement. La panique gagne les investisseurs.
La très jeune Federal Reserve (Fed) est vite dépassée et le Dow Jones dégringole de 42 % entre le 14 octobre et le 13 novembre 1929, revenant à 200 points (3). L’ampleur et la rapidité de la chute rappellent le krach de 2020. Après ces quatre semaines de baisse, les marchés ont toutefois connu un rebond de 46 % entre novembre 1929 et avril 1930 (3). Rebond puissant mais éphémère : la Grande Dépression s’installe et ramène le Dow Jones sous les 50 points en 1932 (3). Il faudra finalement attendre novembre 1954 pour que l’indice new-yorkais dépasse son pic de septembre 1929.

Heureusement, les banques centrales ont appris de ces différentes crises. Les réponses exceptionnelles apportées depuis février 2020 par la Fed et la Banque Centrale Européenne (BCE) ont d’ores et déjà permis de limiter la casse sur les marchés financiers. Des scénarios boursiers aussi sombres que ceux que nous venons d’évoquer devraient être évités, mais les investisseurs doivent garder à l’esprit que les grandes crises s’étalent toujours dans
la durée, aussi bien sur le plan économique que boursier.

Julien Gautier et Xavier Bargue
Consultants (Agence Fargo), le 20 avril 2020

1. Chiffres Boursorama
2. Emprunts de moindre qualité, plus risqués que les crédits « prime »
3. www.federalreservehistory.org

“Les investisseurs n’ont pas « exagéré » le choc conjoncturel causé par la pandémie du Covid-19 alors que la pire récession depuis les années 1930 est devant nous.”