EN PRIVÉ

Équilibres fragiles : marchés actions, devises et matières premières face aux défis globaux

Les marchés financiers ont récemment dû faire face à une série d’événements à haut risque. La dernière réunion de la Réserve fédérale américaine, marquée par une baisse de taux longuement anticipée, constituait un moment crucial pour les investisseurs. Du côté européen, l’attention s’est portée sur la France, où la chute du gouvernement Bayrou a mis en lumière la difficulté persistante du pays à engager les réformes structurelles indispensables au redressement de son économie.

Malgré ces turbulences, la plupart des places financières se sont montrées résilientes. Le CAC 40, bien que légèrement en retrait par rapport aux autres grands indices européens, affiche une performance positive depuis le début de l’année. Cependant, une prime de risque politique pèse sur l’indice, reflétant la fragilité du climat institutionnel français. La France, freinée par son incapacité à initier les réformes nécessaires à la réduction du déficit public, se retrouve au centre des inquiétudes budgétaires de la zone euro. Là où l’Italie occupait traditionnellement ce rôle, le gouvernement de Giorgia Meloni a réussi à surprendre en accélérant la consolidation des comptes publics, dans un contexte de stabilité politique rare. En l’espace d’une semaine, la France a subi deux dégradations de sa note souveraine tandis que l’Italie enregistrait sa première amélioration depuis 2021. L’écart entre les deux pays, autrefois marqué, tend désormais à se réduire.

Il convient toutefois de rappeler que la majorité des grands groupes composant le CAC 40 réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires à l’international. Cela les rend moins dépendants des difficultés locales et atténue l’impact direct de la crise politique nationale. Techniquement, l’indice parisien continue d’évoluer dans une zone de consolidation comprise entre 7 500 et 8 000 points, sans véritable rupture de tendance.

Les États-Unis : un cycle toujours porteur

Outre-Atlantique, la dynamique reste nettement plus favorable. Les indices américains poursuivent leur progression, soutenus par la perspective d’une croissance robuste. Les composantes du Nasdaq-100 devraient enregistrer une augmentation significative de leur EBITDA, confirmant le dynamisme des valeurs technologiques et de croissance. La Réserve fédérale prévoit encore deux baisses de taux d’ici la fin de l’année, créant un environnement monétaire accommodant.

Un indicateur élaboré par Goldman Sachs souligne que les conditions financières actuelles figurent parmi les plus favorables observées depuis l’immédiat avant-bulle internet de 1999-2000. L’indice n’avait retrouvé de tels niveaux qu’à deux autres reprises : brièvement début 2017, puis lors de la relance exceptionnelle post-pandémique de 2020-2021. Cette configuration suggère que l’élan haussier pourrait se prolonger, sauf en cas de retournement brutal du marché du travail, notamment si le chômage devait soudainement s’accroître.

Dans l’ensemble, les actions américaines bénéficient du soutien combiné des baisses de taux et d’un contexte macroéconomique relativement robuste, ce qui leur offre de solides perspectives jusqu’à la fin de 2025. Néanmoins, au-delà, les marges de progression risquent de s’amenuiser. Les anticipations de marché tablent sur des réductions de taux substantielles d’ici septembre 2026 mais ces prévisions dépassent celles officiellement avancées par la Fed. Un décalage entre attentes et réalité pourrait générer une forte déception, d’autant que l’économie reste exposée aux tensions sur l’emploi et aux effets inflationnistes de mesures protectionnistes comme l’augmentation des droits de douane.

Devises : un dollar toujours au centre du jeu

Sur le marché des changes, la récente baisse du dollar américain précédant la réunion du FOMC s’est révélée n’être qu’un mouvement technique, sans véritable modification des anticipations liées au cycle monétaire. Le billet vert conserve son rôle central : un nouvel épisode d’aversion au risque ou de solides statistiques économiques aux États-Unis pourrait relancer son ascension. Les rendements des bons du Trésor restent déterminants pour orienter ces dynamiques.

Leur impact se vérifie notamment sur la paire USD/JPY. Après une réunion de la Banque du Japon qui n’a apporté aucun soutien notable au yen, les rendements japonais ont atteint de nouveaux sommets. Cela alimente les spéculations sur une éventuelle hausse des taux directeurs dès octobre. La livre sterling, elle aussi, subit les effets indirects de la remontée mondiale des rendements, alors même que les gilts britanniques n’ont pas encore retrouvé de niveaux significatifs. La publication de chiffres décevants concernant le déficit d’août a accentué la pression sur la devise.

Matières premières : l’or en vedette

Le marché des matières premières est dominé par la flambée de l’or qui enchaîne les records historiques. Sa progression repose sur une demande soutenue des ETF, sur le recul des coûts de financement et sur un contexte marqué par de multiples incertitudes : indépendance de la Fed, tensions géopolitiques et inquiétudes croissantes autour de la dette publique américaine.

Un élément frappant est que le renforcement du dollar n’empêche plus l’or de progresser, ce qui témoigne de la solidité de la dynamique actuelle. Les analystes évoquent désormais la possibilité d’une percée vers 4 000 USD l’once. Le facteur macroéconomique le plus déterminant reste toutefois l’affaiblissement du dollar : l’indice Bloomberg Dollar Spot a récemment touché son plus bas niveau depuis mars 2022, prolongeant une tendance enclenchée après la publication de statistiques de l’emploi plus faibles, lesquelles ont amené les marchés à anticiper une série de baisses de taux.

Un dollar plus faible accroît mécaniquement la valeur relative des matières premières libellées en USD. Pour l’or, actif par excellence de réserve, cela renforce encore son attractivité. Les rendements réels confortent ce mouvement : les titres du Trésor américain protégés contre l’inflation à dix ans offrent désormais environ 1,64 %, un plancher de onze mois après un pic à 2,32 % en janvier. Ce niveau reste suffisamment bas pour favoriser l’appétit pour des actifs sans rendement comme le lingot.

Les flux d’investissement confirment cette tendance. Selon le Conseil mondial de l’or, les ETF aurifères détenaient près de 3 700 tonnes fin août, soit leur plus haut niveau de fin de mois depuis mi-2022. Les entrées observées en 2025 figurent parmi les plus importantes jamais enregistrées, compensant largement les sorties des deux années précédentes. En valeur, cela représente 25 à 30 milliards de dollars absorbés cette année, soit l’équivalent de près de 10 % de la production minière annuelle. Ce simple chiffre illustre à quel point les flux financiers peuvent influencer l’équilibre du marché physique.

La baisse des coûts de financement, conséquence directe de l’assouplissement de la politique monétaire américaine, réduit par ailleurs le coût d’opportunité de la détention de lingots. Elle devrait continuer à soutenir la demande institutionnelle, notamment via les ETF. Dans ce contexte, l’or s’impose comme un actif refuge incontournable, à la fois reflet des inquiétudes globales et bénéficiaire direct d’un environnement monétaire favorable.

Andréa Tueni
Head of Sales Trading Saxo Banque, 23 septembre 2025