EN PRIVÉ
Perspectives pour 2026
Un contexte politique et géopolitique tendu en 2025. L’année a été marquée par une montée des incertitudes, notamment avec le retour de Trump à la présidence américaine et le durcissement de la politique commerciale des États-Unis, symbolisée par le « Liberation day ». De plus, les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient ont maintenu un climat géopolitique fragile. Sur le plan budgétaire, des niveaux de dette publique élevés ont suscité des questions sur leur soutenabilité, en particulier en France.
Avec néanmoins une économie et des marchés résilients. Malgré ces incertitudes, la croissance mondiale a dépassé 3 % en 2025, portée par l’essor des investissements dans l’IA et des politiques budgétaires et monétaires accommodantes. Les marchés actions ont enregistré des performances remarquables, portés par les valeurs technologiques aux États-Unis et le secteur bancaire en Europe. Sur le marché obligataire, la courbe des taux s’est pentifiée, les taux longs restant élevés malgré la détente monétaire. Parallèlement, le dollar s’est fortement déprécié, reflétant un rééquilibrage des portefeuilles internationaux, tandis que les valeurs refuges ont bénéficié des incertitudes persistantes : l’Or a atteint des sommets historiques, avec une hausse de plus de 60 % depuis janvier.
États-Unis : une croissance solide malgré les incertitudes
L’économie américaine devrait continuer de croître à un rythme soutenu, portée par la relance budgétaire et les investissements massifs dans l’IA. Les grandes entreprises technologiques poursuivent leurs plans d’investissement, ce qui devrait continuer d’alimenter la demande. Nous anticipons ainsi une croissance supérieure à 2 % en 2026, mais aussi une inflation au-dessus du consensus, sous l’effet des droits de douane et de la politique migratoire. De plus, le contexte politique restera sensible avec les élections de mi-mandat et la nomination du nouveau gouverneur de la Fed. Dans ce cadre, la banque centrale pourrait limiter ses baisses de taux à une ou deux, moins que ce qu’attendent les investisseurs.
Zone euro : relance et statu quo monétaire
En 2026, la croissance en zone euro devrait dépasser les attentes, soutenue par les plans de relance, notamment le plan Rearm EU et le « bazooka » allemand. L’inflation resterait ainsi plus élevée qu’avant le Covid, portée par une activité plus dynamique ainsi que par la hausse du salaire minimum en Allemagne. Dans ce contexte, la BCE devrait maintenir une politique monétaire stable tout au long de l’année, confortée par un environnement déjà accommodant. Sur le plan politique, l’instabilité en France et les élections législatives en Allemagne pourraient peser sur la visibilité budgétaire.
Chine : des exportations résilientes malgré les fragilités domestiques
En 2026, l’économie chinoise devrait rester freinée par une demande intérieure faible, malgré des mesures de soutien ciblées. Les exportations, en revanche, devraient conserver leur dynamisme, notamment dans les segments liés à l’IA comme pour les semi-conducteurs. Par ailleurs, on pourrait continuer de voir des pressions déflationnistes en 2026, le consensus tablant sur une inflation à 0,8 %. De nouvelles initiatives pour stimuler la consommation pourraient être ainsi annoncées lors du plénum de mars, mais la visibilité sur l’ampleur et l’efficacité de ces mesures demeure limitée.
Marchés Actions
ÉTATS-UNIS
Les marchés actions américains finissent l’année 2025 sur une bonne note. En effet, le S&P 500 affiche une progression de 3,5 % au T4-25, se traduisant ainsi par une progression de 19 % dans l’année. Le Nasdaq-100 a enregistré une hausse de 23 % sur l’ensemble de l’année. Cette performance illustre tout d’abord la performance des actions de style « Croissance », dont l’IA, en hausse depuis le début du trimestre alors que les actions de style « Value » affichent une progression plus modeste. Les entreprises de l’IA, dont à 85 % sont des entreprises américaines, ont affiché de très bonnes performances en 2025 et les analystes s’attendent à une croissance des revenus supérieure à 40 % en 2026 soutenue par les investissements importants de l’ensemble de l’écosystème. D’autre part, l’activité économique devrait rester bien orientée en 2026, avec une croissance proche de 2 %, soutenue par la politique budgétaire et les investissements. Enfin, la Fed maintiendrait une communication neutre sur la première moitié de l’année, permettant ainsi aux actions de continuer sur une bonne dynamique.
EUROPE
Les indices finissent aussi 2025 sur une bonne note, avec le marché européen enregistrant une hausse de près de 4 % sur le trimestre et de 23 % sur l’année. Par pays, le marché espagnol est de loin le plus performant de la région mais aussi un des plus performants au niveau des économies développées, avec une hausse de 44 % sur l’année. Si les autres marchés affichent aussi des croissances à deux chiffres, la performance du marché français reste moins dynamique, avec une hausse limitée à 8 % sur 2025, pénalisé par sa composition sectorielle et les incertitudes politiques. Le cycle économique de la zone euro devrait poursuivre sur une tendance positive en 2026, avec une croissance attendue de nouveau au-dessus de 1 %, soutenue par l’accélération du plan de relance allemand et la poursuite des plans européens et des baisses de taux d’intérêt passées. Cette bonne tenue de l’activité devrait se traduire par une croissance plus robuste des revenus des entreprises. Par ailleurs, la BCE devrait garder son taux d’intérêt de référence à 2 % au cours des mois à venir, proche ainsi de son niveau d’équilibre, soutenant ainsi les valorisations.
Marchés obligataires
ÉTATS-UNIS
Les taux d’intérêt des obligations d’État américain restent à un niveau élevé, en particulier les taux longs, du fait d’une inflation qui continue d’être au-dessus de la cible de 2 % et d’une activité qui reste résiliente. Le taux des Treasuries à 2 ans (proxy des anticipations des taux Fed funds à un an) reste stable autour de 3,5 % depuis le mois de septembre, tandis que le taux à 10 ans reste aussi autour de 4,1 % au cours de la même période. En effet, si la Fed a continué le cycle de baisses de taux d’intérêt au mois de décembre en diminuant la fourchette des Fed Funds à 3,5 %-3,75 %, la communication reste très prudente sur la suite du cycle. Tout d’abord, l’activité économique demeure résiliente, du fait de la bonne tenue de l’investissement et la consommation, ce qui réduit la nécessité d’un cycle plus marqué de baisse de taux d’intérêt. Ensuite, l’inflation reste elle aussi élevée, avec une inflation sous-jacente au mois d’octobre à 3 %, et qui devrait rester au-dessus de la cible au cours des prochains trimestres. Enfin, si les données du marché du travail montrent une perte de vitesse, celle-ci reflète un marché de l’emploi avec à la fois un niveau faible d’embauches mais aussi un niveau faible de licenciements, ainsi que la contraction de la population immigrée. Une pause de la Fed lors de la première moitié de l’année est probable en raison du contexte économique et des incertitudes sur l’orientation du nouveau Président de la Fed qui rentrera en fonction au mois de mai. Par ailleurs, l’adoption du projet de loi budgétaire au Congrès, qui entraînerait des déficits budgétaires supérieurs à 6 % du PIB dans les prochaines années, maintiendrait la prime de terme (la prime attendue pour la détention d’une obligation à long terme) à un niveau élevé, exerçant ainsi une pression sur les taux souverains.

EUROPE
Les taux souverains finissent l’année sur une tendance haussière, avec le taux du Bund à 10 ans s’élevant à 2,9 % en décembre. En France, le taux de l’OAT a affiché une forte volatilité dans le cadre de la crise politique, et finit l’année sur un niveau de 3,6 %. Les primes de risque des économies périphériques ont toutefois continué de se réduire, avec la prime espagnole à 45 points de base et celle de l’Italie à moins de 70 points de base. La hausse des taux longs européens diffère de celle des taux américains, en raison notamment d’une inflation proche de la cible, ce qui devrait inciter la BCE à maintenir des conditions monétaires accommodantes. En effet, l’inflation dans la zone monétaire reste proche de la cible de la BCE (2,1 % au mois de novembre) et nous nous attendons à ce qu’elle le reste dans les prochains mois. Dans ce contexte, la hausse des taux souverains reflète l’augmentation attendue des émissions d’obligations et l’amélioration des perspectives de croissance. Le plan de relance allemand devrait porter le déficit budgétaire à 3,5 % au cours des prochaines années, augmentant ainsi considérablement l’offre de dette allemande, qui était jusqu’alors limitée. Par ailleurs, les efforts pour accroître les dépenses de défense, avec un objectif de 3,5 % du PIB en 2028, devraient également accroître les émissions des autres économies. Enfin, les perspectives dégradées des finances publiques françaises et le risque politique exercent une pression haussière sur les taux souverains européens.
Devises et matières premières
EUR/USD L’euro évolue autour de 1,17 soit une appréciation de près de 13 % depuis le début de l’année. À court terme, la parité devrait rester globalement stable, car les facteurs qui influencent les deux devises s’équilibrent. Du côté du dollar, une croissance américaine résiliente limiterait les baisses de taux de la Fed, maintenant des rendements attractifs et soutenant la devise. À l’inverse, en zone euro, un statu quo monétaire est anticipé, mais une reprise plus forte, portée par les plans de relance, pourrait inciter la BCE à relever ses taux, ce qui renforcerait l’euro. À ces éléments s’ajoutent des incertitudes politiques aux États-Unis : les élections de mi-mandat et le possible remplacement de Jerome Powell à la tête de la Fed pourraient orienter la politique monétaire vers plus d’accommodement, pesant sur le dollar. Ce contexte crée une volatilité élevée, sans tendance claire à court terme.
PÉTROLE
Depuis début novembre, le Brent a reculé d’environ 3 % en dollars, passant de plus de 66 à 62 dollars le baril, et de plus de 3,5 % en euros. Cette baisse progressive, ponctuée de quelques fluctuations, reflète avant tout les incertitudes persistantes autour du règlement du conflit en Ukraine et les craintes d’un excédent d’offre sur le marché. Dans ce contexte, l’OPEP a choisi, le 30 novembre, de maintenir sa politique d’offre inchangée. Après une hausse modeste de 137 000 barils par jour en décembre, l’organisation a confirmé une pause dans les augmentations de production au premier trimestre 2026. Cette posture attentiste traduit la volonté de disposer de davantage de visibilité sur le front géopolitique, tout en conservant une stratégie guidée par les prix. De plus, les tensions géopolitiques restent élevées : le conflit en Ukraine se poursuit, limitant les exportations russes sous sanctions internationales. À ces éléments s’ajoutent des signaux structurels qui renforcent la tendance baissière, comme la progression des ventes de véhicules électriques dans l’Union européenne. Enfin, sur le plan de la demande, le ralentissement de la croissance chinoise pèse aussi sur les perspectives.
L’OR
Après une correction en octobre, l’or a repris sa progression et s’établit désormais à 4 208 USD l’once (3 618 €), soit une hausse de plus de 4,5 % depuis début novembre et de plus de 60 % depuis le début de l’année. Ce rallye reste porté par les achats massifs des banques centrales, soucieuses de diversifier leurs réserves au détriment du dollar, ainsi que par des achats par des investisseurs privés. Toutefois, la hausse de l’or se poursuit parallèlement à celle des marchés actions, ce qui atténue son rôle traditionnel de valeur refuge. Dans ce contexte, la Banque des règlements internationaux (BIS) met en garde contre une spéculation croissante, notamment par les particuliers, qui pourrait déstabiliser les marchés en cas de retournement.
Clémentine Gallès
Chef économique et stratégiste Société Générale Private Banking, 15 décembre 2025

