L’ANALYSE

Allegro ma non troppo*

Comment sortir d’un système dans lequel on s’est soi-même enfermé, avec la bénédiction du plus grand nombre ? C’est la question à des milliers de milliards de dollars que les banques centrales se posent actuellement. À commencer par la première d’entre elles, celle que tout le monde imite avec plus ou moins de décalage et plus ou moins de succès, la Réserve fédérale américaine. La Fed a annoncé mi-juin qu’elle allait commencer à réduire son arsenal de soutien économique. Ou plutôt qu’elle allait commencer à réfléchir à la façon de le faire.

En réalité, tout le monde savait que ça arriverait tôt ou tard. Mais il y a un écart entre le penser et le voir se concrétiser. Pour ne rien arranger, la banque centrale a eu l’air de se faire forcer la main par l’accélération des grandes tendances économiques sous-jacentes, notamment l’inflation. Comme si elle s’était un peu faite déborder en réagissant avec un temps de retard. La principale crainte des investisseurs est que l’abondante liquidité qui irrigue les marchés, notamment celui des actions, ne s’assèche. Une crainte justifiée puisque si la banque centrale veut éviter la surchauffe économique, il lui faut dégonfler ses programmes de rachat d’actifs et réduire la quantité de monnaie en circulation en jouant sur des hausses de taux.

Les États-Unis vont entrer dans une nouvelle phase monétaire. Le Royaume-Uni probablement aussi, puisque la BoE avait déjà fait part de son intention de relever ses taux à moyen terme. La BCE, qui n’a pas la souplesse de ses deux homologues anglo-saxonnes, devra, elle aussi, se positionner, qu’elle le veuille ou non. Christine Lagarde a maintenu un ton très accommodant lors de ses dernières sorties mais l’institution aura du mal à tenir longtemps une politique trop décalée avec celle de la Fed.

Même si personne ne veut voir arriver le grand chambardement monétaire, il va bien falloir composer avec. Le contexte économique actuel est atypique mais la reprise post-covid est solide et devrait être renforcée par la levée des dernières restrictions. La tâche des banques centrales n’est pas facile pour autant parce qu’il va leur falloir détricoter leurs dispositifs exceptionnels sans aller jusqu’à heurter durablement la confiance économique. Pour Powell, Lagarde et compagnie, ce sera allegro ma non troppo*.

Patrick Rejaunier
© 2021 zonebourse.com, 22 juin 2021

* Vite mais pas trop

PATRICK REJAUNIER

“Même si personne ne veut voir arriver le grand chambardement monétaire, il va bien falloir composer avec.”

CHIFFRES CLÉS

53,35 %

 C’est la plus forte hausse parmi les valeurs qui composent le CAC 40 lors du premier semestre 2021. Cette première place est détenue par Société Générale, qui est suivie de près par Saint-Gobain.

Source : Bloomberg

6 687,29 pts

C’est le point le plus haut du CAC 40 depuis l’an 2000 (au moment de notre rédaction). Ce niveau a été atteint durant la séance du 18 juin avant que l’indice ne clôture en baisse de -1,46 %.

Source : Bloomberg

12 025

C’est le nombre de Produits de Bourse émis en France par Société Générale lors du premier semestre 2021. C’est aussi le nombre de kilomètres qui sépare Paris et Hawaï. Bonnes vacances et prenez soin de vous !