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IPO et OPA : ces opérations qui font rêver les investisseurs sont-elles vraiment des opportunités ?

La frénésie est totale : depuis le début de l’année, le nombre d’introductions en bourse, partout dans le monde, ne cesse de flamber. Et ce pour la plus grande satisfaction des investisseurs dont l’appétence pour ces opérations ne se dément pas. IPO et OPA – comprendre introduction en Bourse et offre publique d’achat – sont plus que jamais de grands événements boursiers, largement relayés dans les médias et laissant espérer plus-values et primes aux investisseurs… Au mépris, parfois, de toute prudence, car certaines performances exceptionnelles ne doivent pas être prises pour des généralités.

Au cours des six premiers mois de l’année, 1 070 entreprises ont choisi d’entrer en Bourse dans le monde. Elles ont levé l’équivalent de 222 milliards de dollars, révèle une étude publiée par YE (Marché mondial des introductions en Bourse). De tels niveaux n’avaient pas été atteints depuis 20 ans. L’écart avec 2020, en pleine crise de la Covid, est d’ailleurs criant. Par rapport à l’année dernière à la même période, le nombre d’opérations a grimpé de 150 % et les sommes levées de 215 %.

Ainsi, du côté des entreprises comme de celui des investisseurs, les introductions en Bourse, ou IPO pour Initial Public Offering, séduisent. Un phénomène qui s’explique notamment par l’abondance de liquidités disponibles sur les marchés et par les performances de ces derniers depuis un an, avec des records historiques régulièrement franchis. Sans oublier les « success stories » de certaines introductions. En France, l’entrée en bourse de La Française des Jeux, il y a près de deux ans, a ravivé l’attention des investisseurs pour les IPO, d’autant que le titre affiche un beau parcours boursier. Cette année, sans trop de surprise, l’essentiel des IPO a eu lieu dans les secteurs de la technologie et de la santé. Toutefois, cela ne signifie pas forcément que les entreprises américaines dominent. La plus grosse introduction de l’année, pour le moment, s’est tenue à Hong Kong. Le rival chinois de TikTok, Kuaishou Technology, a levé pas moins de 4,5 milliards d’euros. Du jamais vu depuis Uber qui avait réussi à lever 8 milliards d’euros en 2019. De quoi donner le tournis.

Une réalité plus contrastée

Le succès d’une introduction en Bourse ne garantit cependant en rien un parcours boursier gagnant, un fait trop souvent oublié. Prenons le cas d’Uber, justement. À l’heure actuelle, son cours évolue autour de son niveau d’introduction qui était de 42 $. Depuis 2019, son parcours a été marqué par une incroyable volatilité. Ainsi, 6 mois après sa cotation, le titre ne valait plus que 26 $, avant de s’effondrer à 14,82 $ en mars 2020 puis de toucher un plafond de 60 $ en avril dernier.

Environ 9 mois après son introduction en Bourse, Airbnb, autre géant américain, est quant à lui toujours dans le vert. Cependant, la leçon est la même : gare à la volatilité des cours. Lancé à 68 $, la valorisation d’Airbnb a doublé en une journée de cotation seulement. Puis, en deux mois, le cours a atteint 212 $ avant de redescendre sur des niveaux plus proches de son premier jour de cotation.

Très médiatiques, les introductions en Bourse ne doivent pas être considérées systématiquement comme une opportunité à saisir. La volatilité des cours rappelle qu’il est indispensable de commencer par questionner la solidité financière de l’entreprise.

Investir sur une IPO : retour aux fondamentaux

Participer à une introduction demande de dépasser l’engouement collectif. Il existe, comme pour toute décision d’investissement en Bourse, un nécessaire travail de recherche à faire sur l’entreprise afin de comprendre son potentiel de croissance. C’est pourquoi des rapports de performance trimestriels et un rapport semestriel de la société sont obligatoirement rendus publics avant toute IPO. Autant de documents qui doivent être consultés. Les conseils et avis des analystes peuvent également apporter des informations complémentaires.

Le niveau de valorisation de l’entreprise constitue également une donnée centrale dans la décision d’investissement. Dans de nombreux cas, le marché valorise plus fortement l’entreprise nouvellement cotée que l’estimation faite pour l’IPO. Résultat, les cours montent très souvent dans les premiers jours de cotation. Toutefois, cela ne signifie pas forcément que la tendance haussière sera durable. Mieux vaut donc, pour ceux qui n’ont pas pu participer à l’IPO, ne pas investir dans les premiers jours qui suivent et adopter une vision de long terme. Comme pour tout investissement, il est important de fixer des objectifs de cours, ainsi qu’une limite de perte acceptable, et de conserver les réflexes de prudence et d’aversion au risque propre au profil de chaque investisseur.

OPA : des primes alléchantes

Parmi les grandes manœuvres stratégiques des entreprises figurent également les offres publiques d’achat, ou OPA. Là encore, elles sont très appréciées des investisseurs, du moins d’une partie d’entre eux. Car l’opération peut s’avérer lucrative, à condition de se trouver du bon côté de la barrière.

En effet, OPA rime bien souvent avec prime… pour les actionnaires de la société cible. Afin d’attirer les investisseurs, il est courant que l’émetteur de l’OPA propose de racheter les actions de sa cible à un cours supérieur à celui du marché. En 2020, en France, le montant moyen des primes proposées dans le cadre d’OPA s’est ainsi établi à 29,2 %. Une opération gagnante pour les détenteurs de titres d’entreprises cibles, mais derrière ce chiffre se dissimulent des scénarios très différents d’une opération à l’autre.

Tout d’abord, le taux de 29 % est relativement courant, puisque la moyenne des primes évolue régulièrement autour de 30 %. Ces dernières peuvent cependant atteindre des niveaux bien supérieurs, rendant les OPA très intéressantes pour les actionnaires des sociétés cibles. Ainsi, l’année dernière, la prime sur l’action Advenis a été portée à 76,6 %, celle sur l’action Antalis à 69,1 %.

De tels chiffres ont de quoi alimenter la bonne réputation des OPA mais ne doivent pas faire oublier que certaines entreprises font l’objet d’une OPA en raison de leur faiblesse financière. Leur cours a pu en pâtir et il convient donc de mettre la prime en regard du repli du cours.

Autre élément à intégrer : les offres de primes émises par une société prédatrice ne sont pas fixes. Pour convaincre de nouveaux actionnaires de céder leurs titres, les primes peuvent être révisées à la hausse. Vivendi, par exemple, a relevé son offre deux fois de suite pour réussir à acquérir l’éditeur de jeux vidéos Gameloft. Voilà pourquoi il est conseillé de ne pas répondre tout de suite aux offres de rachats de titres.

L’annonce d’une OPA, en revanche, est souvent moins bien accueillie par les actionnaires de la société initiatrice de l’opération. Il est courant de voir le cours de celle-ci reculer car une acquisition mobilise des capitaux, demande des investissements conséquents et l’absorption est une phase délicate.

Peut-on avoir une stratégie d’investissement sur les OPA ?

Autant les introductions en Bourse peuvent être anticipées à l’aide d’un calendrier, autant il n’est pas possible de bénéficier d’un tel outil pour investir en amont des annonces d’OPA. Il est cependant possible d’investir – sans garantie aucune – sur des sociétés « opéables », c’est-à-dire présentant le profil de cible idéal.

Parmi les éléments à étudier, la structure de l’actionnariat. Les sociétés dont l’actionnariat est très dilué, dont aucun actionnaire ne dépasse le seuil de 33 %, ont plus de probabilités de faire l’objet d’une offre. Deuxième point important à étudier, la valorisation boursière des entreprises. Les prédateurs peuvent profiter des faibles valorisations pour se positionner, surtout si les fondamentaux de la cible sont bons. Enfin, il existe des tendances sectorielles, des segments d’activités plus propices aux OPA, nous citions par exemple la technologie ou la santé cette année. Il s’agit souvent de secteurs où fleurissent les innovations, sujets à des besoins de financements élevés, ou encore de secteurs avec de fortes barrières à l’entrée, sur lesquels la concurrence se joue notamment sur la taille des groupes.

L’afflux de liquidités sur les marchés, leur performance élevée, surtout comparativement aux autres classes d’actifs, ont favorisé, au cours des derniers mois, les introductions en Bourse et les rachats d’entreprises. Un mouvement dont les actionnaires individuels peuvent eux aussi profiter, à condition, toutefois, de conserver leurs réflexes d’investisseur et de ne pas céder aux effets de mode et d’annonce qui entourent ces opérations.

Ingrid Labuzan, Option Finance