EN PRIVÉ
L’analyse technique et financière par Nicolas Gallant
Nicolas Gallant, créateur de Momentum, lettre d’investissement du magazine Capital basée sur l’analyse technique et financière, écrivain (Les figures chartistes de l’analyse technique, JDH Editions)
Bonjour Nicolas, pouvez-vous vous présenter ?
Journaliste économique et financier, je travaille depuis 20 ans pour Capital où j’ai commencé par des conseils sur Produits de Bourse (Warrants, Certificats, etc.) basés sur l’analyse technique. J’ai aussi été rédacteur dans deux lettres d’investissement de Capital. La première était classique, avec des conseils sur actions basés sur une analyse financière et une évaluation du juste prix estimé.
En 2021, j’ai lancé Momentum, une lettre d’investissement quotidienne de Capital basée sur l’analyse technique (mais aussi sur l’analyse financière et économique), avec des scénarios sur le CAC 40 et les actions. J’écris aussi des articles sur les actions et les marchés. J’ai fait publier en mars Les figures chartistes de l’analyse technique (JDH Éditions). D’autres livres, sur l’analyse technique et l’investissement sur les marchés, vont suivre.
Diplômé d’une grande école de gestion (EM Lyon), spécialisé en finance de marché et en corporate finance, je suis aussi titulaire du CFTe (Certified Financial Technician), diplôme d’analyse technique de l’International Federation of Technical Analysts (IFTA), un réseau dont l’Association française des analystes techniques (Afate) est la branche française. J’en suis membre administrateur.
D’après vous, l’analyse technique est-elle abordable pour n’importe quel investisseur qui souhaite s’y intéresser ?
L’étude de l’analyse technique ne nécessite aucun prérequis, aucune connaissance préalable en économie, en finance ou sur les marchés. J’ai d’ailleurs découvert l’analyse technique avant mes études à l’EM Lyon, avant d’étudier l’analyse financière, l’évaluation du juste prix des actions et l’économie. L’analyse technique présente de nombreux avantages et je la préfère à l’analyse financière, moins précise. D’ailleurs, on voit bien que les objectifs de cours des analystes financiers des banques sont souvent très différents. N’importe quel investisseur particulier peut apprendre l’analyse technique. Une éducation de base (collège et lycée) suffit amplement. Il faut savoir compter et avoir quelques connaissances de base en mathématiques. Quelques notions de statistiques sont un plus (mais pas indispensables). L’essentiel est de bien apprendre et comprendre les notions de support et de résistance, les différentes formes qu’ils peuvent prendre et les figures de continuation et de retournement de tendance. Ce sont d’ailleurs les points abordés dans Les figures chartistes de l’analyse technique. Il est aussi préférable d’avoir l’esprit de synthèse, car les différents supports et résistances sont innombrables : il est nécessaire de faire la part des choses et de comprendre, pour chaque cas donné, quels seuils graphiques sont prépondérants et quels supports et résistances sont négligeables.
Vous l’abordez dans votre livre : pouvez-vous nous expliquer ce que sont les figures de continuation et de retournement ?
L’analyse technique (l’analyse graphique) consiste en l’étude de l’évolution du cours d’un actif financier, résultat de la confrontation entre l’offre (les ordres de vente) et la demande (les ordres d’achat), afin de bâtir des scénarios (haussier, baissier ou « à plat ») sur la trajectoire des prix jugée la plus probable. Les figures de continuation et de retournement (de tendance) sont basées sur les supports et les résistances. Un support est un niveau de cours où les acheteurs ont été suffisamment puissants pour l’emporter face aux vendeurs : après la chute, les cours se sont ainsi retournés à la hausse. Et inversement, une résistance est un niveau de cours où les vendeurs ont réussi à contenir la poussée des acheteurs et à faire repartir les cours à la baisse. C’est le comportement du cours au contact des supports et des résistances qui détermine la formation (puis la validation) des configurations chartistes pouvant motiver les interventions à l’achat ou à la vente de l’investisseur. Au sein d’une tendance (haussière ou baissière) définie, une figure de continuation constitue une simple pause dans la trajectoire du cours d’un actif financier. Pendant que l’actif financier reprend son souffle, la figure de continuation permet souvent de gommer une situation de surachat ou de survente, avant une reprise du mouvement préexistant. Inversement, une figure de retournement est une phase de pause suivie du renversement du courant préexistant qui passe de haussier à baissier ou de baissier à haussier. Lors d’une figure de retournement, le rapport de force entre acheteurs et vendeurs s’inverse progressivement. Le camp qui avait initialement l’avantage sur l’autre finit par battre en retraite.
Quels conseils donneriez-vous aux débutants avant de se lancer ? Des figures plus faciles à repérer que d’autres ? Des écueils à éviter ?
Mieux vaut étudier sérieusement l’analyse technique. Il est tout à fait possible de se former tout seul, avec des livres sur le sujet, ou encore en devenant membre de l’Afate, ce qui permet d’avoir accès à plusieurs présentations de professionnels des marchés et afterworks par an. Attention aux « vendeurs de rêve » et au prix trop élevé de certaines formations proposées, la qualité n’étant pas toujours à la hauteur. Un investisseur débutant devrait commencer avec un portefeuille fictif avant de miser de l’argent réel. Quant aux Produits de Bourse (Warrants, Certificats…), mieux vaut se cantonner dans un premier temps aux instruments à faible effet de levier, avant de l’augmenter progressivement au fur et à mesure que l’on gagne en expérience. Il faut aussi bien choisir son courtier, surtout quand le patrimoine à investir est assez limité. En effet, il est important d’optimiser les frais de courtage par rapport au montant moyen des transactions envisagées, tout en s’assurant de la qualité de service et de la disponibilité du courtier. Quant aux figures chartistes, le canal, le double creux et le double sommet figurent parmi les configurations les plus nettes et les plus efficaces.
Quels valeurs/secteurs suivez-vous en ce moment ? Présentent-elles des configurations techniques caractéristiques ?
Je suis tous les principaux secteurs d’activité au niveau européen et je m’intéresse particulièrement ces temps-ci aux secteurs de l’automobile, de l’énergie (valeurs pétrolières), de la finance (les banques) et de la santé. Longtemps lesté par des craintes massives (sur l’ampleur des investissements nécessaires au passage à la voiture électrique, sur la concurrence des constructeurs chinois aux modèles bon marché, etc.), le secteur de l’auto envoie peu à peu des signes de force, et ce même si tous les constructeurs ne sont pas logés à la même enseigne. Dernièrement, en Bourse, nos constructeurs nationaux (Renault, Stellantis) ont tenu la dragée haute à leurs concurrents allemands, notamment à Volkswagen, dont le passage à la voiture électrique brûlera beaucoup de cash. Quant au secteur de la santé, il évolue à proximité de supports de grande envergure. Au sein du secteur de l’énergie, alors que TotalEnergies a largement sous-performé le CAC 40 depuis fin octobre dernier, l’action, qui reste inscrite au sein d’un canal haussier de long terme, pourrait désormais prendre sa revanche, de mon point de vue (avis à mi-mars 2024). D’autant que les cours du pétrole ont envoyé des signaux encourageants, en mars.
Pour finir, quel est votre meilleur souvenir en Bourse… et le pire
Mon meilleur souvenir en Bourse remonte à la crise de 2007-2009. Alors qu’à l’époque, de nombreux économistes, analystes financiers et gérants de fonds avaient affiché leur optimisme sur les perspectives de la Bourse, l’analyse technique a clairement prouvé son utilité. Et ce, dès juillet 2007, quand certains indicateurs mathématiques avaient envoyé un signal de faiblesse avancé sur les perspectives du CAC 40. Et en janvier 2008, un signal de vente très net avait été envoyé, suite à la formation d’une figure chartiste de retournement à la baisse. Les investisseurs ayant tenu compte de ces deux signaux d’alerte ont pu éviter bien des déconvenues, au vu du krach historique qui a suivi. Enfin, mes plus mauvais souvenirs en Bourse ont été des situations où mon stop de protection a été atteint, juste avant que le cours reparte dans le sens attendu. Un bon exemple récent est le cas de LVMH, dont l’action pouvait être achetée à l’automne 2023 (au contact d’un support majeur, dans le creux de la vague), mais qui a envoyé un signal préoccupant le 17 janvier dernier en cassant un important support. Une évolution qui incitait alors logiquement à s’alléger sur l’action. Pourtant, cette date a coïncidé avec un creux majeur. Le 24 janvier, l’action a envoyé un signal plus encourageant qui incitait à remettre en question le signal négatif du 17 janvier. Le 26 janvier, l’envolée de l’action suite à la publication de comptes 2023 rassurants a alors clairement remis la valeur sur une trajectoire plus positive du point de vue de l’analyse technique. Le parcours d’Hermès, acheté quasiment au plus bas de l’année en janvier dernier, a été beaucoup plus satisfaisant.
Propos recueillis par Léa Jézéquel
Société Générale Produits de Bourse, 18 mars 2024