L’ANALYSE
Le temps des grands bouleversements
La pandémie mondiale de coronavirus, qui a provoqué à ce jour 6,5 millions de décès dans le monde, nous a rappelé que même dans un monde ultra-normé, nos certitudes peuvent être profondément remises en cause. Les remous en cours dans le secteur de l’énergie et l’inflation qui en résulte en sont une autre illustration.
Depuis le début du nouveau millénaire, les banques centrales ont eu deux missions principales à gérer. L’une était plutôt aisée : il s’agissait de contrôler les prix dans un environnement relativement bénin. L’autre était plus complexe : jouer les pompiers de services quand l’économie menaçait de se disloquer. Ce fut le cas en 2008 lorsqu’il a fallu colmater les brèches ouvertes par les apprenti-sorciers de la finance. Ou en 2020, quand l’Humanité s’est retrouvée confrontée à une menace qu’elle croyait disparue. À chaque fois, il a fallu mobiliser des centaines de milliards pour maintenir la prospérité à flot.
Les banquiers centraux ont longtemps semblé à l’aise dans leurs costumes de sauveurs. On peut même dire qu’ils ont fini par se reposer sur leurs lauriers, ce qui les a probablement amenés à manquer de discernement. La phrase martelée pendant des mois par la Fed selon laquelle « l’inflation est transitoire » est devenue une source de plaisanterie amère. On ne peut pas tout leur reprocher non plus, à ces banquiers centraux : ce sont les politiques, nos élus, qui les ont appelés à la rescousse. Et puis il y a eu ces désordres dans les lignes d’approvisionnement, et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais après tout, ils sont aussi là pour anticiper et force est de constater qu’en dégainant tardivement des politiques plus restrictives, ils se sont savonnés la planche.
En Europe, la situation est aggravée par la flambée des prix de l’énergie, qui met les ménages en précarité et qui force les industriels à geler la production. Citigroup estime que les prix à la consommation pourraient s’envoler de plus de 18 % sur un an au Royaume-Uni début 2023. C’est colossal. Le continent n’y échappera pas, même si les variations y seront moins spectaculaires. Après avoir découvert notre vulnérabilité sanitaire puis notre faiblesse industrielle et technologique, nous voilà confrontés à notre dépendance énergétique. C’est lourd à porter en deux ans. Il n’y a plus qu’à espérer que cela réveillera les consciences.
Patrick Rejaunier
© 2022 zonebourse.com, 23 août 2022