L’ANALYSE

L’insoutenable légèreté de l’investisseur

La planète cryptomonnaie a encore tremblé la semaine dernière, avec la débâcle de FTX, une plateforme américaine à la mode dirigée par l’un des gourous du secteur, Sam Bankman-Fried. La finance traditionnelle n’a pas encore décidé si les cryptomonnaies constituent une simple curiosité ou une classe d’actifs en devenir. Mais une chose est sûre : le secteur expérimente en ultra-accéléré toutes les plaies qui ont frappé les marchés financiers depuis leur création.

Cela me donne une excellente occasion de faire un parallèle avec la finance traditionnelle. On ne le répétera jamais assez, une performance élevée induit un risque proportionnel. L’économiste d’Harvard Jason Furman a résumé la chute de FTX en quelques mots : « comment les gens pensaient-ils que FTX finançait les 8 % d’intérêts qu’elle payait sur les dépôts en bitcoins si elle n’utilisait pas les fonds de ses clients pour quelque chose ? Quelle autre explication vouliez-vous qu’il y ait puisque les actifs étaient censés être entièrement disponibles et sécurisés ? ». Bon, manifestement, il y a aussi une belle arnaque derrière tout ça, ou au mieux une incroyable désinvolture dans la gestion. Mais le péché originel, c’est la cupidité des uns et l’extrême complaisance des autres. La finance décentralisée a beau être une idée généreuse, jeune et novatrice, elle n’a échappé à aucune des avanies des marchés boursiers.

Cette déconfiture est une excellente piqûre de rappel pour nous qui évoluons dans un pan plus traditionnel de la finance. Jusqu’à ce que les banques centrales décident de siffler la fin de la récréation il y a quelques mois, après avoir été débordées par l’inflation, l’argent coulait à flots. Et quand l’argent coule à flots, les investisseurs deviennent moins sélectifs et moins exigeants, puisque la performance est partout, jusque dans les recoins inexplorés en temps normal. Puis vient le temps où la source commence à se tarir. Les paris les plus osés sont abandonnés, les acteurs les plus fragiles disparaissent. Puis d’autres, à mesure que le robinet des liquidités se referme. C’est à ce moment-là que les petits malheurs peuvent se transformer en désastres. Dit autrement, « c’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus », pour citer Warren Buffett, qui du haut de ses 92 ans en a vu passer, des investisseurs de pacotille.

Patrick Rejaunier
© 2022 zonebourse.com, 18 novembre 2022

Les données relatives aux performances passées ont trait à des périodes passées et ne sont pas un indicateur fiable des résultats futurs. ceci est valable également pour ce qui est des données historiques de marché.

PATRICK REJAUNIER

“Le péché originel, c’est la cupidité des uns et l’extrême complaisance des autres.”

CHIFFRES CLÉS

10 000

C’est le nombre de personnes impactées par le plan de licenciement d’Amazon. Après avoir doublé ses effectifs de travail lors de ces deux dernières, Amazon va mettre à exécution le plus grand plan de licenciement de son histoire.
Source : Reuters

8 milliards

C’est le nombre d’êtres humains sur terre depuis le 15 novembre. D’après les estimations des Nations Unies, 59 % de la population habite en Asie, 18 % en Afrique, 9 % en Europe et 13 % sur le continent américain.
Source : ONU

100 Mds$

C’est le montant perdu par Mark Zuckerberg en 13 mois. Depuis fin 2021, Meta a perdu plus de 67 % de sa valeur dont 25 % uniquement après l’annonce des derniers résultats.
Source : Reuters