L’ANALYSE
L’onde de choc Crédit Suisse
Si vous êtes parti sur une île déserte sans aucun moyen de communication depuis la livraison de l’opus précédent du magazine que vous êtes en train de compulser, sachez que quatre banques sont dans une situation très délicate dans l’intervalle et que d’autres ne sont pas bien pimpantes. L’histoire a commencé avec Silvergate, une banque de l’univers des cryptomonnaies. Elle s’est poursuivie avec SVB Financial, un établissement proche des startups de la Silicon Valley, puis avec Signature Bank, une autre success-story américaine. Ces intermédiaires financiers ont été rattrapés par un « bank run », c’est-à-dire des clients qui se sont précipités au son du canon pour récupérer leurs dépôts, à un rythme tel que les établissements n’ont pas pu les satisfaire et se sont retrouvés en défaut ou presque. En réalité, ces banques ont été victimes de la remontée des taux et d’une prise de risque excessive. Ce qui reste caché quand l’argent gratuit coule à flots se retrouve en pleine lumière, au grand jour quand les liquidités se tarissent. Ou, pour le dire à la façon de Warren Buffett, c’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent tout nus.
Aux États-Unis, les autorités ont réagi promptement : 2008 est encore bien ancré dans les esprits. La Fed et le Trésor ont cherché à rassurer en garantissant les dépôts. Ils ont aussi fermé SVB et Signature ; Silvergate avait déjà baissé pavillon. Mais le ver était déjà dans le fruit… Dans le secteur financier, la perte de confiance est souvent fatale. L’onde de choc s’est propagée jusqu’en Europe où le Crédit Suisse a vacillé. La banque aux deux voiles, déjà ébranlée par une gestion peu inspirée et sa participation à plusieurs scandales retentissants, s’est rapidement retrouvée acculée. Le dimanche 19 mars, il a fallu choisir entre une quasi-faillite, une nationalisation et une absorption par l’UBS. C’est ce dernier scénario qui a eu les faveurs des autorités suisses qui y voyaient sans doute un moindre mal. L’UBS va donc croquer son rival sur la base d’une valorisation de 3 milliards de francs, soit 20 fois moins que la valeur de la banque avant la pandémie… Et avec toute une batterie de garanties de la Confédération. Quelle débâcle pour un établissement emblématique en Europe !
Cette série de chute de dominos réveille de vieux démons et met les banques centrales devant un nouveau dilemme sur la politique monétaire. À l’heure où ces lignes sont écrites, j’ignore si la crise s’est propagée… Mais une chose est sûre, ce sont encore les excès, les manquements et les abus qui sont à l’origine de cette nouvelle phase délicate à gérer pour les marchés financiers.
Patrick Rejaunier
© 2023 zonebourse.com, 20 mars 2023