EN PRIVÉ

Nasdaq Retour à la réalité

La chute est lourde : le Nasdaq Composite abandonne plus de 27 %* depuis le début de l’année. En avril, l’indice des valeurs technologiques américaines a baissé de 13 %, connaissant sa plus forte baisse mensuelle depuis octobre 2008 et jeudi 5 mai, il a même connu sa pire journée en deux ans, chutant de 4,99 % en une seule séance. Mercredi 18 mai, l’indice a également dévissé de 4,73 %. Le Nasdaq est en panne et 2022 semble marquer la fin du festin pour les investisseurs. Meta Platforms (ex-Facebook) chute de plus de 43 % depuis le début de l’année, Amazon perd près de 35 % sur la même période, Tesla 33 %, Alphabet (holding de Google), Microsoft et Apple cèdent respectivement plus de 22 %, 24 % et 21 %.

Quant à Netflix, l’annonce de la baisse du nombre d’utilisateurs au premier trimestre a entraîné un vent de panique autour de la valeur le 20 avril dernier : -35 % en une seule séance, soit près de 50 Mds$ de capitalisation boursière envolée d’un coup. Le géant du streaming perd toujours plus de 70 % en 2022 ! L’action Peloton Interactive a également défrayé la chronique. Le spécialiste des vélos d’appartement et des tapis de course connectés avait connu une envolée spectaculaire de son activité et de son cours de Bourse en 2020-2021, à l’occasion de la crise sanitaire. Mais les confinements passés, la valeur cotée au Nasdaq a commencé à boire la tasse en novembre 2021. Elle perd encore 60 % depuis le début de l’année.

Ces corrections font figure de véritable tremblement de terre à Wall Street où investisseurs professionnels et boursicoteurs occasionnels s’étaient habitués au miracle continu des valeurs « techs » générant plus-values rapides et juteuses. Certains hedge funds spécialisés dans le secteur, comme Tiger Global, affichent des contre-performances désastreuses, supérieures à 50 % en 2022, et frôlent la faillite pure et simple.

Le Nasdaq était pourtant l’indice de tous les superlatifs, la porte d’entrée des investisseurs du monde entier vers le monde mirifique des GAFAM et autres pépites technologiques qui dessinent le monde connecté d’aujourd’hui et le Métavers de demain. Contrairement au Dow Jones qui compte 30 valeurs ou au CAC 40 parisien, le Nasdaq Composite, qui a vu le jour en 1971, prend en compte l’évolution de plus de 2 500 valeurs cotées sur ce marché, en fonction de la capitalisation boursière de chaque valeur mais il existe également un indice plus restreint, le Nasdaq-100, créé en 1985 autour des 100 plus grosses capitalisations de l’indice.

Pour l’anecdote, on retiendra que l’un des fondateurs de la National Association of Securities Deals (NASD) qui donna naissance au Nasdaq fut le tristement célèbre Bernard Madoff qui présida ce marché au début des années 1990, devenant alors l’un des financiers les plus en vue de New York.

Les confinements successifs ont accéléré la ruée vers les valeurs « techs »

Traditionnellement plus volatile que le Dow Jones, le Nasdaq a connu une progression fulgurante au cours des deux dernières années. A la mi-mars 2020, alors que le monde entier est à l’arrêt, l’indice Nasdaq, qui a chuté brutalement fin février, évolue en-dessous de 7 000 points. Mais les investisseurs réalisent rapidement que les confinements imposés en Europe et aux États-Unis, qui marquent l’explosion du télétravail, accélèrent la transition en cours vers un monde numérique, toujours plus connecté. Alors que les secteurs traditionnels (automobile, transport aérien) s’enfoncent dans le marasme, les « valeurs techs » décollent littéralement. Le Nasdaq franchira la barre des 16 000 points en novembre 2021.

Mais le doute s’installe à nouveau en fin d’année. Cette fois, la donne a changé, la reprise ne se passe pas comme prévu et les valeurs technologiques prennent de plein fouet le retour de l’inflation, liée en partie aux ruptures des chaînes d’approvisionnement. Dans le secteur technologique, les pénuries de semi-conducteurs portent un coup rude à de nombreuses entreprises américaines. L’inflation pousse également les taux longs à la hausse et renchérit le coût des emprunts de ces entreprises innovantes. Le rendement du 10 ans américain dépasse désormais les 3 % ! S’endetter coûte plus cher et les valeurs technologiques qui doivent engager des investissements considérables pour rester dans la course sont particulièrement pénalisées. Contrairement aux valeurs du luxe, elles bénéficient d’un « pricing power » relativement faible pour préserver leurs marges grâce aux augmentations de prix de leurs produits ou services qu’elles pourraient répercuter sur leurs clients même s’il existe des exceptions.

Ce nouveau contexte inflationniste débouche ainsi sur le début d’une nouvelle ère de normalisation monétaire. Début mai, Jerome Powell a opéré une hausse de 50 points de base (0,5 %) des taux directeurs, une décision inédite depuis l’an 2000 et qui n’est qu’une première étape. La Fed va devoir en effet tenir un calendrier soutenu si elle souhaite endiguer ces pressions inflationnistes inédites depuis le début des années 1980. Pourra-t-elle y parvenir sans risquer de provoquer une récession de l’économie américaine ? C’est toute la question qui agite actuellement les investisseurs et fait craindre un resserrement monétaire très douloureux sur le plan économique.

Meta Platforms (ex-Facebook), Microsoft, Apple : des résultats trimestriels encourageants

Si certaines valeurs technologiques payent incontestablement le contexte macroéconomique actuel mais également le ralentissement de leur croissance pour certaines après des années fastes, les motifs d’espoir existent cependant. En 2000, lors de la crise des valeurs Internet, les investisseurs s’étaient brutalement détournés d’entreprises surévaluées mais qui au final ne généraient que des chiffres d’affaires très faibles, voire inexistants, et accumulaient les pertes.

Cette fois, la décrue actuelle gomme assurément les gains boursiers phénoménaux des derniers mois, voire des dernières années, mais ne peut masquer complètement les solides résultats des GAFAM et autres pépites technologiques cotées à New York. Les multiples de valorisation avaient atteint des niveaux stratosphériques ? La correction actuelle permet de ramener ces valeurs à des multiples de valorisation (PER) plus raisonnables. Ainsi, Apple se négocie désormais autour de 24 fois ses bénéfices attendus en 2022, Meta Platforms 17 fois ou Netflix 15 fois. Or, les fondamentaux demeurent et les grandes valeurs technologiques américaines devraient continuer d’engranger les bénéfices au cours des prochaines années. Lors de la publication des résultats du premier trimestre, Meta Platforms a ainsi rassuré les investisseurs en renouant avec la croissance après la déception du T4 2021 : chiffre d’affaires en progression de 7 % à 27,9 Mds$, bénéfice en recul de 21 % à 7,46 Mds$ mais au-dessus des attentes du consensus.

De son côté, Microsoft a dévoilé des comptes trimestriels encourageants (chiffre d’affaires en hausse de 18 % à 49,4 Mds$, bénéfice en progression de 8 % à 16,7 Mds$). Quant à Apple, malgré les problèmes d’approvisionnement en semi-conducteurs et un contexte pour le moins difficile, il a signé tout simplement le deuxième meilleur trimestre de son histoire avec un chiffre d’affaires trimestriel de 97,3 Mds$ (+8,6 %) et un bénéfice net de 25 Mds$ (+6 %) ! On est loin de l’effondrement attendu par certains Cassandre de la cote. Reste que le marché actuel, extrêmement volatile, demande beaucoup de sang-froid et de discernement aux investisseurs qui veulent continuer à investir cette année sur les valeurs « techs » cotées au Nasdaq.

Julien Gautier
Responsable éditorial, Agence Fargo, 19 mai 2022

* Les cours mentionnés dans l’article sont arrêtés au 19 mai 2022

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