L’ANALYSE

Tesla, la seconde lame

Elon Musk n’est pas homme à rester en place, je pense que c’est assez clair pour tout le monde. Pour une fois, nous n’allons pas évoquer la dispersion du personnage mais plutôt la stratégie de sa principale source de prospérité. Il ne s’agit évidemment pas de Twitter mais de Tesla. Là non plus, pas besoin de vous faire un dessin. Dans un univers automobile où les positions semblaient plus ou moins figées dans le marbre, le Californien est parvenu à se faire un nom et une image, au point d’épouvanter toute la concurrence, des industrieux constructeurs japonais aux robustes constructeurs allemands. Sur un marché automobile dont les ventes se sont contractées en moyenne de -1 % par an depuis 2019, Tesla affiche une progression moyenne annuelle de 50 %. À ce rythme, l’entrée dans le top 10 mondial n’est plus très loin.

Les constructeurs traditionnels ont été forcés de réagir, aiguillonnés par le trublion et par une réglementation environnementale qui se durcit. À coups de dizaines de milliards d’investissements, ils cherchent à rattraper le retard accumulé. Un effort d’autant plus conséquent que ces entreprises sont lestées par un passé industriel difficile à mettre en mouvement, là où Tesla profite d’une structure beaucoup plus agile. La différence d’approche est résumée de façon un peu triviale dans une formule qui circule pas mal dans les milieux financiers : Tesla a créé une voiture autour d’un logiciel pendant que ses concurrents essaient de faire entrer un logiciel dans une voiture. Cette philosophie a conféré à Tesla un certain nombre d’avantages mais ce ne sont pas ses seuls atouts. Le Californien affiche aussi une structure de coûts inférieure à celle de ses concurrents.

Et c’est là que je voulais en venir. Alors que les rivaux commencent à pointer leur nez face aux modèles phares du groupe, Elon Musk a lancé une guerre des prix en sabrant le tarif de base de tous ses modèles. Vous savez, comme ce collègue un peu cruel avec qui vous courez de temps en temps, qui ralentit parce que vous traînez et qui repart de plus belle quand vous l’avez enfin rattrapé au prix d’un effort qui vous a laissé suant et soufflant. Tesla vient en effet de procéder à plusieurs baisses de prix successives. Il s’agit d’enfoncer le clou à court terme. Mais l’objectif avéré est bien plus ambitieux : devenir le premier constructeur mondial en 2030, sur la base de 20 millions de véhicules vendus chaque année (Toyota, le numéro un mondial, a écoulé 9,5 millions d’automobiles en 2022). Pour ce faire, le groupe s’estime en mesure de réduire les coûts de production de moitié par rapport à une Model 3 actuelle, en maîtrisant toute la chaîne d’approvisionnement verticalement. Les analystes pensent que Tesla sera en mesure de sortir un véhicule pour 25 000 USD en affichant une marge opérationnelle de 10 % par unité. Si cela se confirme, les constructeurs traditionnels ne sont pas au bout de leur peine. Peut-être même qu’ils n’en ont pas vu le début du commencement.

Patrick Rejaunier
© 2023 zonebourse.com, 19 avril 2023

Les données relatives aux performances passées ont trait à des périodes passées et ne sont pas un indicateur fiable des résultats futurs. ceci est valable également pour ce qui est des données historiques de marché.

PATRICK REJAUNIER

« Tesla a créé une voiture autour d’un logiciel pendant que ses concurrents essaient de faire entrer un logiciel dans une voiture. »

CHIFFRES CLÉS

210 Mds$

C’est le nouveau record de la fortune de Bernard Arnault, survenant après la publication des résultats du premier trimestre de LVMH.
Source : Bloomberg

7 533 pts

C’est le record du CAC 40 à sa clôture le mardi 18 avril, dépassant ainsi son précédent record à 7 390 points.
Source : Reuters

1,7 Md$

C’est le montant investi par les fonds de capital-risque depuis le début de l’année dans les startups d’intelligence artificielle. Plus d’un tiers du montant investi en 2022.
Source : Bloomberg