L’ANALYSE
The Show must go on
Quand mes tempes étaient un peu moins blanches qu’elles ne le sont aujourd’hui, j’ai eu l’occasion de participer au Paris Air Show, qui s’appelait encore salon aéronautique du Bourget. Cet événement est à la fois enthousiasmant et suranné. Enthousiasmant, parce qu’en déambulant dans les allées, on plonge dans l’histoire de l’aviation et du vieux rêve de l’homme, voler. On croise des coucous d’un autre temps et des tas d’appareils modernes. On se bouche les oreilles au décollage d’un gros porteur, puis on frise le torticolis en suivant les arabesques nerveuses d’un jet de combat en vol de démonstration. On traîne sur des stands où des ingénieurs expliquent à une foule bigarrée de professionnels des quatre coins du monde comment fonctionnent leurs innovations électroniques. On ne comprend pas tout d’ailleurs, mais ce n’est pas bien grave.
Suranné aussi, parce que tout le monde sait pertinemment que les contrats géants annoncés par Airbus, Boeing et consorts ont été négociés en amont et pas sur un coin de table à l’ombre de l’un des petits chalets coquets qui jouxtent la piste d’envol.
Surannée encore, parce que l’industrie aéronautique n’est plus vraiment en odeur de sainteté du côté des gardiens du temple ESG. Ce qui n’a pas empêché le Paris Air Show de faire son retour en juin 2023. Après quatre ans d’une absence due à la combinaison du calendrier biennal de la manifestation et de la pandémie de covid-19. Et rien n’a vraiment changé. Les démonstrations en vol et les présentations statiques sont toujours au rendez-vous, les entreprises continuent à étaler leur savoir-faire.
Et les contrats pleuvent à nouveau à mesure que les rotations touristiques reprennent en occident et que les rangs des classes moyennes grossissent dans les pays émergents. Airbus a notamment engrangé une commande de 500 monocouloirs de la famille A320neo auprès de la compagnie indienne à bas coûts IndiGo. Boeing devrait rester en retrait : le salon français est traditionnellement la chasse gardée d’Airbus. Les deux géants de l’aviation se retrouvent en revanche sur un point : la croissance du marché de l’aviation, mise à mal par le coronavirus, va reprendre de plus belle. L’European pense que 40 850 avions commerciaux seront livrés entre 2023 et 2042. L’Américain est un peu plus optimiste avec 42 600 unités. Mais les deux projections sont très proches et démontrent que les critiques actuelles sur l’empreinte environnementale du transport aérien reçoivent finalement peu d’écho, en particulier dans les pays émergents densément peuplés. L’Asie-Pacifique représentera d’ailleurs 40 % de la demande mondiale dans les vingt ans à venir. La spécificité de cette industrie aéronautique, outre un duopole bien établi que n’ont réussi à entamer ni Bombardier, ni Embraer, ni Tupolev ni pour le moment AVIC, est qu’elle ruisselle sur un nombre considérable de sous-traitants. En France, cet écosystème pèse plus de 4 % du PIB et occupe 7 % des effectifs industriels, ce qui est considérable… et mérite probablement un grand salon biennal.
Patrick “Maverick” Rejaunier
© 2023 zonebourse.com, 20 juin 2023