L’ANALYSE
Une dépendance en chasse une autre
Comme la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine a exposé au grand jour les liaisons complexes que la mondialisation a installées au cœur de l’économie. Et comme la pandémie, elle aboutit rapidement à des pénuries puis à des hausses de prix. Certaines sont évidentes : la Russie et l’Ukraine sont deux des plus gros exportateurs mondiaux de céréales, en particulier de blé. S’il n’y a pas de récolte chez l’un et un embargo à l’export contre l’autre, on imagine bien ce qu’il va se passer.
D’autres liaisons sont plus confidentielles mais pas moins perturbantes pour les secteurs concernés. L’Ukraine est le principal fournisseur mondial du néon purifié utilisé pour la gravure des circuits imprimés de l’industrie des semi-conducteurs. Le pays est également un gros exportateur de faisceaux de câbles utilisés dans l’automobile. Le champion allemand de ces câbles, Leoni, qui dispose de deux usines en Ukraine, a d’ores et déjà prévenu que ses objectifs ne seront pas atteints. Et faute d’approvisionnement, BMW et Volkswagen ont mis la pédale douce sur la production de véhicules. L’industrie automobile est non seulement ultra mondialisée mais fonctionne encore à flux tendus : le moindre grain de sable paralyse la machine.
C’est un choc de plus pour les constructeurs de véhicules qui sortent d’une période compliquée et qui doivent gérer en parallèle une transition technologique vers l’électrique au pas de course. Un magazine américain titrait récemment avec la flambée du pétrole : « quelle chance pour le véhicule électrique, malheureusement l’industrie n’est pas encore prête ». Et c’est vrai : les véhicules électriques sortent des lignes de production au compte-gouttes et quand ce n’est pas le cas, les listes d’attente sont interminables.
Pour couronner le tout, le prix des composants pour batteries électriques a pris la pente ascendante. Une étude récente de Liberum montre que le prix des principaux métaux composant une batterie de 60 kWh, le lithium, le nickel et le cobalt, atteignait en cumulé 1 400 dollars en mars 2021. En mars 2022, avec la flambée des cours provoquée par le conflit en Ukraine, la même quantité de métaux coûte près de 5 000 USD. Notamment à cause du nickel… un métal dont le premier producteur mondial est le russe Norilsk Nickel. On tourne en rond.
Patrick Rejaunier
© 2022 zonebourse.com, 18 mars 2022