L’ANALYSE
Dans deux mois…
Dans deux mois… ou peut-être deux ans, qui sait ? L’année dernière, à la même période, les marchés boursiers avaient l’air d’avoir été frappés par un coup de massue invisible, comme si une crise majeure avait fait son apparition. Mais, surprise, il n’y avait pas de crise. Et cette récession brutale, que tout le monde avait prédit pour « dans deux mois », joue à l’Arlésienne depuis deux ans, malgré des politiques monétaires qui ont brutalement basculé dans l’austérité. C’est un monde étrange dans lequel nous vivons : des taux d’intérêt élevés, mais pas de craquement économique en vue. Le marché de l’emploi est toujours en pleine forme : des deux côtés de l’Atlantique, les patrons se grattent la tête pour trouver des employés. Alors, sommes-nous dans un épisode inédit de la quatrième dimension économique ?
Dans le monde de la finance, nous avons une affection particulière pour les adages. L’un de nos favoris, que nous sortons pour impressionner les nouveaux venus ou pour étaler notre sagesse financière, est celui attribué à John Templeton : « Les quatre mots les plus dangereux en matière d’investissement sont : “cette fois c’est différent” ». C’est une phrase qui a du sens quand on parle des comportements humains de base. Mais cela ne signifie pas que tout se passe toujours en ligne droite. Parce qu’en économie, il y a toujours un lapin qui sort du chapeau.
En 2024, il se pourrait bien que l’inflation soit mise au pas et que les taux directeurs commencent à baisser, permettant à des acteurs à bout de souffle de garder la tête hors de l’eau. C’est le scénario « ciel bleu » que les investisseurs ont en tête depuis quelques mois. C’est sur cette base que les actions ont trouvé l’énergie pour continuer leur ascension en 2023, et c’est ce qui explique l’optimisme persistant, même après des performances à couper le souffle. Les indices phares des Bourses de Francfort, Paris ou Milan sont au zénith. Au moment où j’écris,
le Dow Jones est en train de planter son drapeau sur de nouveaux sommets, tandis que le S&P 500 n’est pas loin derrière. Quant au Nasdaq 100, il a rebondi de plus de 50 % depuis le 1er janvier. Encore un signe que l’indice technologique américain, le petit chouchou des investisseurs, a encore du ressort après sa chute de plus de 30 % en 2022. Et maintenant, une petite devinette : entre 2003 et 2023, combien d’années le Nasdaq a-t-il fini en baisse ? Vous donnez votre langue au chat ? Seulement trois : 2022 (-33 %), 2018 (-1 %) et 2008 (-42 %). Sur 21 ans, le rendement moyen annualisé de l’indice est de 12 %.
Depuis une vingtaine d’années, la révolution numérique a permis à Wall Street de passer la vitesse supérieure et de laisser la concurrence loin dans le rétroviseur, grâce à ses géants de l’informatique, des logiciels et des plateformes marchandes et sociales. Les États-Unis semblent bien partis pour rafler à nouveau la mise avec l’intelligence artificielle, présentée comme le prochain Graal économique et technologique. Mais si les premiers gagnants ont d’ores et déjà été identifiés, la grande majorité des futures stars est probablement encore à découvrir. Dans deux mois… ou peut-être deux ans, qui sait ?
Patrick Rejaunier
© 2023 zonebourse.com, 18 décembre 2023