L’ANALYSE

OK boomer !

Avoir une longue expérience des marchés financiers fait de moi une sorte de pièce de musée avec le décorum qui l’accompagne. Je suis tantôt le « vétéran », tantôt « celui qui a passé des ordres à la main » voire le gars qui « faisait ses analyses techniques sur du papier millimétré ». Je crois que j’ai arrêté de m’offusquer de ces stéréotypes. C’est même presque devenu un jeu quand je dois accueillir des jeunes collaborateurs. Il se trouve que nous en formons actuellement plusieurs. Ce sont des jeunes qui n’ont connu qu’un sens sur les marchés, celui de la hausse et qui sont fascinés par l’économie numérique et ses possibilités. Le krach du mois de février/mars 2020 n’en était pas vraiment un à leurs yeux : il s’est résorbé en quelques semaines. Lors de la crise précédente, en 2008, ils étaient encore à l’école primaire. Autant dire qu’ils avaient d’autres chats à fouetter que les subprimes et Lehman Brothers. Et je ne parle même pas de l’explosion de la bulle Internet : la plupart portaient encore des couches.

En tant que passeur de connaissances – un terme qui sonne mieux que vétéran, du moins à mes oreilles – il est de mon devoir d’éduquer ces jeunes financiers en leur expliquant que chaque génération voit midi à sa porte et imagine que la hausse séculaire des marchés est lancée. Que les parcours boursiers sont toujours secoués par des périodes de baisse. Qu’il ne faut jamais se fourvoyer dans les certitudes. Et qu’on paie toujours à un moment ou à un autre pour apprendre. Ils n’ont pas osé me rétorquer « OK boomer » en me reprochant mon manque d’ouverture d’esprit, mes réticences sur le bitcoin, mon incrédulité devant ces sociétés qui entrent en Bourse et dont le cours double en une semaine…

Peut-être par respect pour mon expérience, mais peut-être aussi parce que je m’emploie à leur montrer que l’investissement financier reste un formidable moyen de faire fructifier son épargne, en gardant à l’esprit que si les revers de fortune sont possibles, ils sont toujours temporaires. À condition bien sûr de rester raisonnable dans ses allocations.

En cette période faste pour les marchés, ne boudons pas notre plaisir. Mais sachons aussi gérer nos risques, même si cela conduit parfois à ne pas suivre la meute et à passer pour un affreux conservateur aux yeux des jeunes loups.

Patrick Rejaunier
© 2021 zonebourse.com, 19 avril 2021

PATRICK REJAUNIER

“En tant que passeur de connaissances (…) il est de mon devoir d’éduquer ces jeunes financiers en leur expliquant que chaque génération voit midi à sa porte et imagine que la hausse séculaire des marchés est lancée.”

CHIFFRES CLÉS

400 millions

L’obstruction du Canal de Suez par le porte-conteneurs « Ever Given » a coûté 400 millions de dollars par heure au commerce mondial.
Source : Forbes

569 milliards

Les investissements sur actions s’élèvent à plus de 569 milliards de dollars au cours des cinq derniers mois et dépassent ceux des 12 années précédentes (425 milliards de dollars).
Source : CNBC

+ 73,98 %

Le CAC 40 a connu une hausse de +73,98 % entre le 16/03/2020 (3 632 points) et le 19/04/2021 (6 319 points)
Source : Bloomberg